Découverte de La Palma, île des Canaries réputée pour la qualité de son ciel nocturne. Octobre 2020.
« Un ciel nocturne non pollué qui permet la jouissance et la contemplation du firmament doit être considéré comme un droit inaliénable équivalent à tous les autres droits socioculturels et environnementaux ». Déclaration pour la défense du ciel nocturne, La Palma 2007.
La Palma est le premier lieu sur Terre à bénéficier du statut de « Réserve Starlight ». De ce fait son ciel est protégé contre les perturbations lumineuses, atmosphériques, radioélectriques, et par les trajets d’avions. Perché à 2400 m d'altitude au centre de l'île volcanique, l'observatoire astronomique Roque de los Muchachos opèrent chaque nuit dans le but de révéler les mystères de l'Univers.
Éternel émerveillé face à la somptuosité du ciel nocturne, je suis parti découvrir cette île, son observatoire astronomique, ses paysages grandioses, ses sentiers de randonnées, sa faune, sa flore, et son ciel étoilé. J'emporte avec moi mon matériel de tournage et de bivouac, avec une monture équatoriale qui permet de suivre précision le mouvement des étoiles. Chaque nuit, je me suis aventuré hors des sentiers battus à la recherche des meilleurs spots où photographier celle qui de ses milliards de perles de feu nous éclaire et veille sur nous depuis la nuit des temps : la Voie Lactée.
Film
« A travers cette vidéo, j'ai souhaité exprimer le sentiment d'émerveillement que j'ai ressenti en découvrant pour la première fois cette île et ses paysages grandioses abritant l'un des ciels nocturnes les plus exceptionnels au monde. Cet endroit relève presque de l'imaginaire, je souhaite à tout le monde de partir l'explorer. »
Équipement
Randonnée, Bivouac | |
Sac à dos (25L) et sac ventral (6L) | |
Tente 4 saisons (1 pers) | |
Duvet 10/6/-6°C (synthétique) | |
Matelas 3 saisons (valeur R : 2,6) | |
Photo, Vidéo, Astrophotographie | |
Caméra / Appareil photo | |
Drone | |
Caméra d'action | |
Objectif focale moyenne | |
Objectif grand angle | |
Microphone | |
Trépied (carbone) avec rotule | |
Monture équatoriale |
Récit
Lundi 12 octobre
Arrivée sur l'île de La Palma
Après une escale à Madrid, j'atterris en avion à Santa Cruz de La Palma, la capitale de l'île. L'aéroport est décoré d'immenses visuels mettant en scène les télescopes de l'observatoire astronomique Roque de los Muchachos, scrutant un ciel couvert d'étoiles au-dessus d'une mer de nuages. Je me demande alors : aurai-je la chance d'assister à un tel spectacle ?
Clés du véhicule de location en main, je me rends dans le centre ville déposer mes affaires à l'hôtel que j'ai réservé pour la nuit. Les prévisions météo pour ce soir sont bonnes, alors sans plus attendre je prends la route pour rejoindre le sommet de l'île volcanique où se trouve l'observatoire. Seulement 40 kilomètres pour 2 400 mètres d'ascension, la pente est raide.
Après une heure de route, j'arrive à proximité de l'observatoire par l'Est. A cette altitude le pin des Canaries a disparu, remplacé par l'arbrisseau Schizogyne sericea et l'arbuste Rumex lunaria qui se sont installés entre les pierres de lave. Sur ce champs de lave aux couleurs ternes, surgissent des dômes d'un blanc éclatant.
Le groupe de télescopes Isaac Newton, du nom du célèbre physicien anglais né en 1642, surplombe à flan de falaise la Caldeira de Taburiente, dépression circulaire d'un diamètre de 9 kilomètres pour 2000 mètres de profondeur, bâtie par l'éruption de magma et sculptée par l'érosion du vent et de l'eau. Ce groupe fait partie de l'observatoire de Roque de la Los Muchachos inauguré en 1985 par la famille royale d'Espagne et qui appartient à l'Institut d'Astrophysique des Canaries (IAC). Parmi les plus importantes découvertes, on retrouve la détection de la galaxie la plus lointaine, la confirmation de l'existence des trous noirs et la validation de l'expansion accélérée de l'Univers.
Le soleil se couchant, je m'empresse de trouver un spot où installer mon équipement et c'est finalement face au Nordic Optical Telescope (NOT) que je me place. Je prévois cette nuit de photographier la Voie lactée à intervalle de temps régulier afin de créer en post-production une vidéo accélérée de la scène. Pour ce faire, je pose mon trépied sur un sol stable et j'installe mon appareil photo numérique équipé d'un objectif grand angle. J'ouvre le diaphragme au maximum à F/2.0 et règle la sensibilité à ISO 3200. Sur l'intervallomètre je règle le temps d'exposition à 25 s, l'intervalle entre chaque photo à 30 s et je lance la prise de vue pour les quatre prochaines heures.
Pourquoi le télescope se nomme "Nordic" alors qu’on se trouve à peine au-dessus du tropique du Cancer ? Car depuis son inauguration il y a 30 ans, il est financé et utilisé par des pays scandinaves.
En fin de nuit alors que la série photographique de la Voie lactée se termine, je distingue à l'œil nu deux tâches diffuses parmi les étoiles. Il s'agit de l'amas des Pléiades et de la nébuleuse d'Orion, qui commencent à faire leur apparition à cette période de l'année. Ces objets du ciel profond ont une taille apparente de 2° et 1° respectivement, en comparaison la taille apparente de la Lune est de 0,5°. En raison de leur taille, je remplace mon objectif grand angle par un téléobjectif de 300mm de focale. Le champs de vision étant plus étroit, il n'est pas possible d'exposer plus de 2 secondes sans le déplacement constant du ciel causé par la rotation terrestre ne rende l'objet flou. Pour compenser cette rotation, j'installe alors sur mon trépied une monture équatorial. Cet appareil motorisé dispose d'un axe de rotation qui tourne a vitesse inverse de la Terre. Grâce à ce mécanisme, il est possible de suivre n'importe quelle zone du ciel pendant l'exposition. Après la mise en station de la monture, j'installe mon appareil photo dessus, vise chaque objet et lance une pose de 30 s.
De retour au véhicule vers 5h du matin, je préfère éviter d'entamer la descente en pleine nuit et décide plutôt de m'installer sur la banquette arrière.
Mardi 13 octobre
Télescopes MAGIC
Au réveil, je profite de la tranquillité du moment pour faire voler le drone et capturer des images aériennes de la montagne, puis je redescends le flan ouest jusqu'à Santa Cruz de La Palma. Au restaurant j'en profite pour recharger les batteries et sauvegarder mes fichiers sur un disque dur externe. De retour au sommet après une heure de route, je me rends cette fois du côté ouest de l'observatoire astronomique. Ici se trouve le célèbre complexe de télescopes MAGIC (Major Atmospheric Gamma Imaging Cherenkov).
Ces mastodontes de 40 tonnes suivent le déplacement des étoiles avec une extraordinaire précision. Leur miroir de 17m de diamètre renvoie la lumière vers un capteur qui enregistre 2 milliards d’images par seconde. Ils ont la particularité de capter les rayons gamma, en dehors du spectre visible.
La nuit tombée, je me suis positionné à la hauteur des télescopes. L'accès au site est interdit la nuit, alors il faut savoir se faire discret. A cette altitude et distance du littoral, le silence est presque total. Seul le bruit des moteurs entraînant le mouvement des télescopes est audible.
Leur mouvement est à peine perceptible, tant il est lent. Pour le révéler, je lance plusieurs séries de photo à intervalle de temps régulier. L'un à focale moyenne pour isoler dans le champs un miroir, l'autre au grand angle pour capturer avec le mouvement de la Voie lactée.
Le rendu est saisissant. Comme une sorte de danse mécanique sous les astres. A l'issue de cette séance nocturne, je m'abrite à nouveau à l'intérieur du véhicule, à la surface duquel des étoiles brillent par milliers.
Jeudi 15 octobre
Randonnée et bivouac dans Parc national de la Caldeira de Taburiente